Quand le ras-le-bol d’une catégorie de personnels dépasse ce qu’elle peut endurer, les organisations syndicales qui les représentent décident d’une journée de grève pour que ce mécontentement s’exprime collectivement. C’est pourquoi que nous sommes là aujourd’hui. Parce qu’en décembre l’exaspération était générale et parce qu’elle était exacerbée par la crise sanitaire, la FSU a pris ses responsabilités et appelé à la grève pour alerter l’opinion publique et faire pression sur le gouvernement.

Aujourd’hui non seulement ce ras-le-bol n’a pas disparu mais il est amplifié par la pression sociale mise sur l’école pour que celle-ci permette à l’économie de continuer de fonctionner, pour éviter que la population ne se retrouve à gérer ses enfants.

Alors il faut que Blanquer comprenne : non, nous ne sommes pas prêts ! Oui, nous pouvons beaucoup et l’avons démontré pendant le confinement. Ce sont les agent.es sur le terrain qui, avec leur matériel informatique personnel, leur connexion, leurs cartouches d’encre, en trouvant les logiciels associatifs ou en utilisant ceux des GAFAM ont permis à l’école de perdurer. Même si nous recevons la prime d’équipement de 150 €, elle sera bien loin de couvrir les frais encourus, en espérant qu’il ne s’agisse pas d’une promesse en l’air.

Pour la FSU, tous les voyants sont au rouge et imposent cette journée de mobilisation, jugeant irresponsables celles et ceux qui détournent le regard pour ne pas voir ce qui est à l’oeuvre.

L’institution a été défaillante, voire dangereuse pour nous, ses personnels. Le Rectorat peut clamer une auto-satisfaction, cela ne berne pas celles et ceux qui sont sur le terrain.

L’institution est toujours défaillante quand elle méprise les messages de précaution que le gouvernement lui-même pourtant impose : tester, tracer, isoler. Pourquoi cela ne se fait-il pas dans les écoles ? Pourquoi Blanquer ne comptabilise-t-il pas les enfants de moins de 11 ans qui ne sont toujours pas considérés cas contact quelle que soit la situation. Pourquoi ne sont pris en compte que les enfants repérés sur le temps d’école … à n’en pas douter parce qu’elle divise par 7 la population contaminée. Nous avons besoin que les autorités décidant de l’éviction et de l’isolement des personnels et des élèves ne soient pas les mêmes que celles qui ont en charge la continuité du service public.

Ce mépris pour les enseignant.e.s se traduit aussi bien sûr au niveau salarial. La sécurité de l’emploi évoquée ne saurait faire tout accepter. Qui supporterait de constater 10 % de perte de salaires en 10 ans (ce qui correspond à un an de salaire perdu par rapport à l’inflation). La revalorisation salariale annoncée à grand bruit ignore 69 % des personnels, non concernés par l’augmentation des salaires ( qu’il s’agisse des plus anciens ou des non enseignants…). Et Macron s’est déjà engagé à geler le point d’indice en 2022. C’est intolérable ! Si, comme je l’ai évoqué toute à l’heure, nos métiers sont importants, sont essentiels à la vie de la Nation, la reconnaissance salariale est indispensable.

Tout comme est indispensable un gouvernement à la hauteur. Nous étions en droit d’attendre un plan de relance pour l’Éducation qui aurait limité les dégâts dus à une crise sanitaire qui se transforme en crise sociale, et là encore, c’est une amère désillusion. Dans le second degré, 1883 postes vont encore être supprimés au niveau national alors que plus de 20000 élèves supplémentaires sont attendus à la rentrée. Le ministère tente de masquer cette baisse du taux d’encadrement en créant des heures supplémentaires. Vu du niveau de fatigue et d’engagement des collègues, comment imaginer qu’ils et elles pourront en faire plus ? Prétendre compenser des postes supprimés par des heures supplémentaires, c’est acter en vérité une nouvelle baisse des moyens humains pour encadrer les élèves ! A une période où au contraire renforcer l’encadrement est nécessaire pour soutenir les élèves fragilisés par la pandémie, ces économies sont indécentes. On ne peut pas vanter l’économie de la connaissance et faire des choix qui n’y préparent par les jeunes.

Dans notre département, c’est ainsi l’équivalent de 23 postes qui seront rayés de la carte dans les 30 collèges du département et 5 postes dans les 6 lycées généraux et technologiques. Ces suppressions sont considérables, supprimer 23 postes c’est l’équivalent d’un collège de taille moyenne ou de deux petits collèges que retire l’administration !!

Rappelez-vous il y a quelques mois, à la rentrée scolaire où, au vu de la situation, nous pouvions espérer des recrutements notamment sur les listes complémentaires. Et bien le gouvernement avait fait le choix de pressuriser les collègues en poste ou d’avoir recours à des contrats courts et précaires ! La FSU dénonce également la sous-dotation en moyen d’accompagnement des élèves handicapés et où la mutualisation des AESH vient au détriment de la qualité de la prise en charge.

Mais le gouvernement ne s’arrête jamais. Les travaux de démantèlement du service public d’Éducation continuent. Le projet de casse de l’Éducation Prioritaire ajoute à notre défiance vis à vis du ministre. Comme la FSU le dénonce depuis longtemps, la logique de contractualisation, c’est à dire le pilotage par objectifs chiffrés et précis pour l’obtention de moyens, fera peser une pression délétère sur les équipes qui au bout du bout aura pour conséquence la sortie de l’Éducation Prioritaire pour un certain nombre d’établissements. Ce seront encore des moyens en moins !

Ainsi, "le quoi qu’il en coûte" de M. Macron ne concerne pas l’Éducation nationale et au-delà, les services publics dans leur ensemble !

Citons encore la loi 4D (Décentralisation, déconcentration, différenciation et décomplexification) qui aurait pour conséquences le transfert des infirmières scolaires, des assistantes sociales de l’Education Nationale aux départements. Vous l’avez compris : c’est la perte du caractère national de leurs missions et surtout de leurs moyens, faisant encore une différence entre départements riches et départements pauvres. De plus elles pourront être affectées à d’autres missions qu’actuellement au gré des pouvoirs locaux en place. Nous en voulons pour preuve, la réquisition des actuels médecins de PMI qui doivent vacciner, séance tenante, laissant ainsi en plan la prévention des enfants.

Pour conclure, nous savons que la confiance ne se décrète pas mais doit se prouver par des actes. Nous ne croyons plus, si tant est que nous l’ayons cru un jour, que le ministre actuel travaille pour le service public d’éducation et ses personnels.

Alors changez de politique éducative rapidement ou le mécontentement exprimé aujourd’hui se transformera en colère. Colère sourde ou dévastatrice, c’est la seule interrogation qui perdure aujourd’hui. La FSU exige un Plan d’Urgence pour l’Ecole.


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Mélinda Beaufils au micro