Nous ne voulons pas parler ici de la taille des classes du point de vue de la superficie bien que le sujet soit intéressant puisqu’il conditionne le quotidien en termes d’espaces et d’aménagement pour les élèves voire en terme d’organisation. Il s’agit de la taille des classes sur le plan des effectifs, donnée ô combien importante à ce moment de la carte scolaire.
une note du Centre d’analyse stratégique (CAS), indique que notre pays est celui qui possède le plus faible nombre de professeurs par élève parmi les 34 membres de l’OCDE.
La France est dans la moyenne pour le collège et le lycée, avec un taux de 7,1 enseignant pour 100 élèves ; en revanche, pour le primaire (et l’enseignement supérieur,) , on ne compte que 5 enseignants pour 100 élèves ou étudiants (je cite Le Monde du14/02/2011)
Mais revenons quelque peu en arrière, « Dans une note ministérielle diffusée en mai 2010, le ministère de l’Éducation Nationale a demandé aux IA et aux recteurs de contribuer efficacement à une augmentation du nombre d’élèves par classe (AEF n°132638). Dans sa note, le ministère justifiait cette demande en indiquant que la diminution des effectifs dans les classes n’a pas d’effet sur les résultats des élèves. »
Nous sommes plus que dubitatifs, « comme » (si j’ose dire) Pascal Bressoux, directeur du laboratoire de recherche de l’université de Grenoble qui aborde ce sujet dans le cadre d’un travail intitulé : « La place de l’évaluation dans les politiques éducatives : le cas de la taille des classes à l’école primaire en France ».
Son interrogation porte ce « Sur quoi se fonde le ministère pour affirmer que la réduction de la taille des classes n’a pas d’effet sur les résultats des élèves », précisant que « dans la communauté scientifique, on admet que la taille des classes joue un rôle au moins au niveau primaire » et qu’en l’ occurence, « Il y a un consensus ».
Pascal Bressoux et Laurent Lima, docteur en sciences de l’Education, ont montré, dans les assertions du ministère, l’absence d’indications chiffrées et analysé les conditions d’accueil des élèves : elles révèlent un trucage des dés dans la mesure où, selon eux, les classes à effectif normal étaient conduites par des enseignants plus expérimentés que celles à effectifs réduits ce qui tend plus à prouver la relation entre l’efficacité d’un enseignant formé et expérimenté et celle d’un collègue débutant.,
Or, cet effet a été très largement sous-estimé dans la note du ministère ».
Nous nous sommes donc attachés à collecter le fruit des études faites sur cette question de la relation entre « effectifs de la classe » et « réussite scolaire ».
Or les chercheurs de l’École des hautes études en sciences sociales, Thomas Piketty et Mathieu Valdenaire ont conclu, dans un document datant de mars 2006 que (page 12) « les réductions de tailles de classe dans les petites classes du primaire (CP et CE1) ont un fort impact sur les compétences évaluées en début de CE2, mais elle ne permet pas de dire s’il est plus efficace de réduire les tailles de classe en CP ou en CE1.
Au moment où la politique des ZEP allait être remise en cause, et avec elles le seuil des effectifs par classe (pour mémoire, la taille moyenne des classes était, à l’époque, de 20,9 en ZEP, contre 22,8 hors ZEP), ils ont analysé les incidences des effectifs sur les résultats ; ils ont par exemple noté que si on enlève un seul élève par classe de CE1 , le score moyen aux évaluations en mathématiques est amélioré de 0,3 point en général et de 0,7 point pour les enfants de milieux défavorisés ; la réduction supplémentaire de cinq élèves des tailles de classe en ZEP, à moyens constants conduirait à une réduction supplémentaire de l’inégalité de réussite scolaire de 46% ».
« En utilisant les mêmes méthodes pour les collèges et les lycées, cette étude met en évidence des effets statistiquement significatifs mais quantitativement plus faibles que dans le primaire. La suppression des ZEP aboutirait, tout de même, à une augmentation de l’inégalité de 10 % au collège et de 3 % au lycée, et une forte politique de ciblage (cinq élèves de moins en ZEP) conduirait à une réduction de l’inégalité de 22 % au collège et 4 % au lycée.
Le professeur Peter Blatchford avec une équipe de chercheurs britanniques, membres de l’Institute of Education de l’Université de Londres ont suivi deux cohortes de 8000 élèves de 4 à 7 ans.
En lecture, une réduction du nombre d’élèves de 25 à 15 représente un gain d’une année pour les enfants les "moins bons" et un gain de cinq mois pour tous les autres. Cela signifie que la réduction de la taille des classes permet non seulement d’obtenir de meilleurs résultats pour tous, mais aussi de réduire considérablement les écarts entre enfants.
Ce qui est à la fois réconfortant mais troublant vue la conjoncture, c’est que les observations sont identiques : " La taille des classes a réellement un impact. Les petites classes présentent un avantage mesurable en terme de résultats, surtout dans les premières années d’école et surtout chez les enfants qui démarrent leur scolarité avec un désavantage par rapport aux autres". Y a-t-il une volonté de lutter contre l’échec et la sélection scolaires ? Si oui, une conclusion s’impose. (…) il faut faire passer de 25 à 15 le nombre moyen d’élèves par classe en primaire. (…) »
C’est vous dire que les mesures que M. L’Inspecteur d’ Académie nous proposent aujourd’hui ne peuvent que contribuer à affaiblir encore plus les élèves les plus fragiles.
A l’inverse de ce que le ministre de l’Education Nationale exige de ses représentants, la réduction des effectifs devrait être préconisée s’il voulait réellement lutter contre l’échec scolaire.
Une des conclusions de ces études est que des politiques de ciblage des moyens gagneraient, selon toute vraisemblance, à se concentrer sur les plus jeunes élèves. Il est sans doute illusoire de prétendre utiliser de telles politiques pour corriger les inégalités accumulées à l’âge de l’adolescence, âge pour lequel d’autres stratégies sont probablement plus adaptées.
En revanche, pour ce qui est du primaire, et dans une certaine mesure du collège, les résultats indiquent qu’on ne saurait justifier les hausses d’effectifs au prétexte que des politiques avec effectifs réduits ne marchent pas. Force est de constater que la diminution de la taille moyenne des classes a un impact indéniable sur la réussite scolaire et la réduction des inégalités. C’est vous dire combien, à l’issue des opérations de carte scolaire, certains effectifs de classe envisagés dans le document de Monsieur l’Inspecteur d’Académie, sont de nature à assombrir l’avenir scolaire de nos élèves.